L’Afrique dans la Bande dessinée du XXème Siècle

Chronique

L’Afrique, berceau de l’humanité.

Le berceau de l’humanité mais aussi berceau des clichés et des stéréotypes en tous genres.

Mystérieuse, insondable, l’Afrique a longtemps nourri l’imaginaire collectif.  Des artistes tels que Picasso en ont fait leur principale source d’inspiration.

Bien loin de se limiter au seul domaine de la Peinture, l’influence de l’Afrique s’est étendue à la majeure partie des branches de l’Art, dont celle qui nous intéresse aujourd’hui : la bande dessinée.

La Bande dessinée (ou BD pour les intimes), genre plébiscité par les plus jeunes, regorge d’œuvres de toutes sortes. Abordant des thèmes légers tout comme des plus sensibles, la BD s’est petit à petit érigée comme l’un des supports de divertissement les plus populaires du XXème siècle.

Parmi les thèmes traités figure, évidemment, l’Afrique. Parfois peinte avec précision et parfois moins, la représentation de l’Afrique dans la Bande dessinée oscille entre les extrêmes.

Parmi ces nombreuses représentations, deux d’entre elles m’ont particulièrement marqué et ce sont ces deux BD que je vais tâcher de vous présenter tout au long de cette chronique.

Comme d’habitude, Asseyez-vous donc confortablement et attachez bien vos ceintures.

Mesdames et messieurs, ici votre commandant de bord.

Bienvenue à bord du vol Cactus Air 002 à destination du Congo.

Tintin au Congo, Hergé (1930)

Tintin au Congo

Tintin au Congo est probablement la BD la plus connue de cet article et pas forcément pour de bonnes raisons. Publiée initialement en 1930 dans une version en noir et blanc, « Tintin au Congo » nous raconte l’histoire d’un jeune reporter, Tintin et de son fidèle compagnon à quatre pattes Milou, débarquant en Afrique -plus précisément au Congo–  dans le cadre de son travail.

Chronologiquement, l’intrigue se déroule à l’époque coloniale. Le Congo qui sert de cadre à la trame scénaristique est encore une colonie belge à cette époque. Ce détail, il faut le souligner, car il permettra de mieux situer le contexte dans lequel cette œuvre a été publiée et ainsi éviter les conclusions hâtives.

Nous sommes à une époque où l’Afrique est encore relativement méconnue du grand public, ce qui est en soi, une situation favorable à la germination de clichés et autres idées reçues de tous genres.

L’auteur de Tintin au Congo l’avouera lui-même :

« C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque. »

Qu’est-ce qui se racontait donc à l’époque ?

Eh bien si on en croit les pages de cette BD, du vrai et du faux.

Tout d’abord, le saint Graal de la représentation Africaine dans toute fiction qui se respecte, c’est sans aucun doute,  sa faune.

Encore aujourd’hui, il est difficile de faire mention de l’Afrique sans faire référence à ses vastes plaines arborées où se côtoient lions, crocodiles, gazelles et autres joyeusetés du Royaume Animal. « Tintin au Congo » ne déroge pas à cette règle. Au contraire, l’auteur s’en donne à cœur joie.

Tout y passe : Crocodile, Antilope, Boa, Requin, Singe, Lion, Léopard etc.

Les scènes où l’on voit Tintin se  fricoter avec les animaux représentent banalement la moitié des pages de l’ouvrage. Des animaux, en veux tu en voilà.

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Il n’y va pas de main morte le bougre!

Mais comment aborder l’Afrique sans parler des Africains?

C’est le sujet qui fâche, surtout quand il s’agit de « Tintin au Congo », et pour cause, la représentation des Africains dans cet ouvrage flirte avec la caricature. Les noirs y sont présentés comme simples d’esprits, au mieux comme de grands enfants.

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Cé ca ki est la vérité

Leur élocution est parodiée à l’extrême ainsi que leur apparence, leurs lèvres occupant pratiquement la moitié du faciès.

L’inévitable finit par arriver, Hergé est accusé de racisme. Face à ces accusations, ce dernier réplique :

« Toutes les opinions sont libres, y compris celle de prétendre que je suis raciste… Mais enfin, soit ! Il y a eu Tintin au Congo, je le reconnais. C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : « Les nègres sont de grands enfants… Heureusement pour eux que nous sommes là ! etc. » Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque, en Belgique. »

Hergé était-il raciste? Personnellement, compte tenu du contexte de l’époque, je pense que non. Il n’était que le reflet d’une époque.

Ayant lu ce livre lorsque j’étais tout jeune, je n’ai pas été particulièrement choqué. Je savais parfaitement faire la part des choses entre fiction et réalité. Je n’étais point dupe et étais conscient que ce qui était dépeint entre ces cases n’était point la réalité, du moins, pas la mienne.

Cependant je peux comprendre que cette BD ait suscité une polémique car le jeune Français lambda n’aura pas forcément, encore aujourd’hui, le recul nécessaire pour discerner le réel du caricatural.

Petite anecdote avant de passer à la deuxième BD : les congolais ont adoré « Tintin au Congo ».

Kouakou Magazine,  (1963-1998)

Kouakou.pngKouakou.

A la simple évocation de ce nom, les plus vieux d’entre vous auront probablement ressenti ce petit frisson de nostalgie leur parcourir la colonne vertébrale.

Et pour cause, cette bande dessinée avait littéralement envahi l’Afrique. Distribuée gratuitement dans les écoles, rares seront ces élèves Africains qui prétendront n’avoir jamais eu un album de Kouakou dans les mains.

Kouakou, c’était un peu notre Tintin à nous.

Né de l’imagination de dessinateurs et scénaristes français (Jean Claude Morchoisne dans les années 1960, puis Bernard Dufossé dans les dix dernières années, et Serge Saint-Michel), Kouakou est un jeune garçon intrépide reconnaissable à son ensemble d’écoliers tout de blanc. On suit notre jeune héros à travers ses péripéties qui pour la plupart se focalisent sur le quotidien de sa vie au village et on ne s’en lasse pas, tant les sujets varient d’un numéro à l’autre.

Pour ce qui est du thème qui nous intéresse aujourd’hui qui est celui de la représentation, le moins que l’on puisse dire c’est que Kouakou s’en sort avec tous les honneurs. C’est presque du sans-faute. Le style de dessin tout d’abord est plus réaliste : pas de traits du visage exagérés si caractéristiques du style caricatural ni de peau foncée à l’extrême.

KOUAKOU3

Kouakou, c’était aussi des thématiques pertinentes.

 

 Les thèmes traités marquent par leur pertinence, certains étant encore d’actualité.

Les environnements sont fidèlement représentés. Les dessinateurs maîtrisent leur sujet et cela se ressent tout au long des planches.

Vous l’aurez compris : difficile de reprocher quelque chose à cette BD et l’engouement qu’elle a suscité fut à la hauteur se son mérite. Ce journal est l’une des raisons essentielles de la popularité de la bande dessinée dans les différents pays africains francophones, mais aussi malheureusement un frein à sa production tant  sa présence était envahissante.

Encore aujourd’hui, les éditeurs peinent à trouver le digne successeur de  Kouakou.

J’espère de tout cœur  qu’ils y arriveront.


Ainsi, s’achève cet article.

J’ai trouvé sympathique de mettre en parallèle ces 2 Bd que tout unit dans la forme mais que pourtant tout oppose dans le fond. J’espère que vous avez pris autant de plaisir à le lire que j’en ai pris à le rédiger.

Si c’est le cas, n’hésitez pas à faire tourner l’article sur les réseaux sociaux.

C’était le Cactus Sahélien.

A bientôt pour de nouvelles chroniques.

21 réflexions sur “L’Afrique dans la Bande dessinée du XXème Siècle

  1. Les chroniques de Sodin dit :

    J’ai super adoré l’article tant dans la forme que dans le fond… Kouakou c’est la perfection pour nous. Tintin au Congo par exemple étant enfants, on se débarrassé des clichés, on n’y fait même pas attention… C’est l’histoire qui est notre soucis majeur.

    En outre 30 années entre l’une et l’autre BD (1930-1960)… Y a de quoi à accorder le bénéfice du doute à Hergé sur le fait qu’il ne soit pas raciste et vu le contexte.

    Merci encore le cactus 🌵, ton style d’écriture est tout aussi magnifique !

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  2. La Muse D'Or dit :

    En effet c’est pour cela que les africains eux mêmes doivent promouvoir l’art et la culture à travers un rendu vrai de ce qu’ils sont et vive t mais surtout un rendu idealiste de consitions de vies meilleures! Très bel article. Et j’ai bien aimé la phrase qui résume tout ce qu’il y’a de stupide et de « dommage ». En effet. Ton anecdote m’as renversée » les congolais ont aimé Tintin au Congo » c’est triste

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    • lecactussahelien dit :

      Eh oui la muse d’or, comme le dit si bien l’adage « On n’est jamais mieux servi que par soi même ».

      Heureusement, je vois fleurir ça et là des œuvres qui redorent le blason de ce beau continent. Aya de Yopougon pour ne citer que cette BD qui dépeint avec une certaine acuité cette Afrique des années 70.

      En tout cas merci pour ton commentaire et surtout pour le reblogging de l’article qui fait énormément plaisir.

      Ton blog fut une bien belle découverte pour moi. Encore un autre que je vais suivre activement, sans nul doute. 🙂

      Passe une bonne soirée.

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    • La Muse D'Or dit :

      Wow merci mais bon il fallait qu’il sorte après deux ans de camouflage. Ce blog c’est plus une envie d’écrire mais bon heureusement il est pas mal vu. Merci c’est aimable. Je viens de le rebloguer mais je crois que je l’ai perdu par inadvertance je le rebloguerai plus tard merci Cactus

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